Interview: Financement d’entreprise, éviter les pièges et faire les bons choix
Le financement est un levier clé pour le développement d’une entreprise, mais il ne suffit pas à garantir son succès. Stratégie, gestion des ressources et adaptation au marché sont tout aussi déterminants.
Dans cette interview, Hugo et Edina, associés DMB Partners, reviennent sur les moments où une entreprise doit envisager un financement, les options disponibles (fonds propres, dette, etc.) et les critères pour choisir la meilleure solution.
Un échange indispensable pour les entrepreneurs et investisseurs en quête de clarté sur le financement d’entreprise en 2025.
Comment fonctionne une entreprise ?
- Quels sont les éléments clés qui permettent à une entreprise de bien fonctionner, en dehors du financement (stratégie, gestion des ressources, etc.) ?
Une entreprise fonctionne grâce à la combinaison de plusieurs éléments essentiels : une stratégie claire, une gestion efficace des ressources humaines, financières et matérielles, ainsi qu’une capacité d’adaptation aux évolutions du marché. L’innovation, la gestion des risques et une culture d’entreprise solide jouent également un rôle clé dans sa réussite.
Le financement est essentiel, mais il ne suffit pas. Une entreprise a besoin d’une vision stratégique claire, d’une gestion efficace de ses ressources, d’un bon positionnement sur son marché et d’une capacité d’adaptation face aux évolutions économiques et technologiques. La qualité du management, la motivation des équipes et la relation avec les clients jouent également un rôle déterminant.
2. Qui a besoin de financement ?
- Quels types d’entreprises ou de secteurs ont le plus souvent besoin de financement externe, et pourquoi ?
Toutes les entreprises, à un moment ou un autre, peuvent avoir besoin de financement. Une startup en phase de lancement, une PME qui veut se développer ou une grande entreprise qui cherche à innover ou à conquérir de nouveaux marchés auront chacune des besoins spécifiques en capitaux.
Certains secteurs nécessitent des investissements lourds dès le départ, comme l’industrie, l’immobilier ou la tech. Les entreprises en forte croissance ont aussi des besoins importants pour recruter, produire et s’étendre rapidement. À l’inverse, les sociétés de services à faible coût fixe peuvent parfois se financer plus facilement sur leurs propres revenus.
- Les besoins de financement diffèrent-ils selon la taille de l’entreprise ou son secteur d’activité ?
Oui, absolument. Une petite entreprise aura souvent besoin de financements pour sa trésorerie ou ses premiers investissements. Une entreprise industrielle, elle, cherchera à financer des équipements coûteux, tandis qu’une société technologique aura besoin de capitaux pour la recherche et le développement.
3. Quand est-il nécessaire de se faire financer ?
- À quel moment du cycle de vie d’une entreprise (création, développement, diversification, restructuration) est-il le plus opportun de rechercher un financement ?
Le financement intervient généralement au moment clé du développement, que ce soit à la création, pendant une phase de croissance, ou lorsqu’une entreprise veut se restructurer. Un signe ? Si l’entreprise commence à manquer de trésorerie pour répondre à la demande du marché, ou si elle a un projet de grande envergure mais pas assez de ressources.
Les différentes étapes :
- Lors de la création, pour financer le lancement.
- En phase de croissance, pour accélérer le développement.
- Lors de la diversification, pour conquérir de nouveaux marchés.
- En période de restructuration, pour redresser la situation.
Chaque phase requiert un type de financement adapté.
- Quels sont les signes ou les situations qui montrent qu’une entreprise a besoin de capitaux supplémentaires pour se développer ?
Les signes sont nombreux : un manque de trésorerie récurrent, l’incapacité à honorer ses dettes ou à répondre à une demande croissante. De même, si une entreprise doit refuser des opportunités de croissance faute de moyens, c’est le signe qu’un financement externe pourrait être nécessaire.
4. Pourquoi lever des fonds ?
- Quels sont les principaux objectifs d’une levée de fonds ? Est-ce toujours une étape nécessaire pour une entreprise ?
Lever des fonds permet d’accélérer la croissance sans attendre de rentabilité immédiate. C’est une manière de prendre des risques calculés tout en conservant de la flexibilité. Maintenant, ce n’est pas une étape obligatoire pour toutes les entreprises. Parfois, des financements plus traditionnels, comme la dette, suffisent. L’avantage d’une levée de fonds, c’est qu’on peut obtenir rapidement une grosse somme pour saisir une opportunité sans trop d’engagement à long terme.
- Quels avantages une entreprise peut-elle tirer d’une levée de fonds par rapport à d’autres formes de financement ?
L’avantage principal est qu’il n’y a pas de remboursement immédiat, contrairement à un prêt bancaire. De plus, les investisseurs peuvent apporter leur expertise et leur réseau. En revanche, cela implique de partager la gouvernance et une partie des bénéfices futurs.
5. Quelles sont les grandes méthodes de financement ?
- Quelles sont les principales méthodes de financement disponibles pour une entreprise aujourd’hui (fonds propres, dette bancaire, crowdfunding, subventions, etc.) ?
On distingue le financement par fonds propres (capital), la dette (prêts bancaires, obligations) et les financements hybrides qui combinent les deux. Il existe aussi des aides publiques et des solutions comme le crowdfunding.
Les différents types de financements:
- Les fonds propres : apport des fondateurs, investisseurs privés (business angels, capital-risque).
- La dette bancaire : emprunts classiques, crédit-bail, affacturage.
- Le financement participatif (crowdfunding) : levées de fonds ouvertes au public.*
- Les subventions et aides publiques : dispositifs d’accompagnement spécifiques selon le secteur et le projet.
- Pouvez-vous expliquer brièvement la différence entre le financement par fonds propres et le financement par dette ?
Le financement par fonds propres signifie que l’entreprise utilise son capital, c’est-à-dire ses bénéfices non distribués ou des apports des actionnaires, pour financer son activité. Elle ne contracte pas de dette et n’a pas d’obligation de remboursement, mais cela peut limiter sa capacité d’investissement si les fonds disponibles sont insuffisants.
Le financement par dette en revanche, consiste à emprunter des fonds auprès d’une banque ou d’un autre établissement financier. Cela permet d’accéder rapidement à des ressources supplémentaires sans diluer la propriété de l’entreprise, mais implique des remboursements et des intérêts à payer.
6. Comment choisir une méthode de financement ?
- Quels critères une entreprise doit-elle prendre en compte pour choisir entre différentes méthodes de financement ?
La première réflexion du management doit être : quelle est ma stratégie ? Où est-ce que je me vois dans 3 à 5 ans ? Il faut avoir cette vision. En effet, la méthode de financement de cette stratégie est une des réflexions suivantes.
Mais partons du principe que le plan est ambitieux et nécessite des fonds : equity, quasi-equity, fonds de dettes, dettes bancaires, prêt inter-entreprises ? La liste est longue mais parfois courte en fonction de la situation de l’entreprise et de sa stratégie. Mais pour résumer, en ordre général, voici les points d’attentions :
- Les ratios financiers de l’entreprise (LTV, levier, gearing, DSCR etc.)
- Son positionnement par rapport au marché (leader, concurrent, challenger, follower, nouvel entrant etc.)
- Son côté innovant ou mature
- Et son secteur d’activité
- Le secteur d’activité ou les objectifs de l’entreprise influencent-ils le choix de la méthode de financement ?
C’est un des principaux critères comme évoqué précédemment mais intéressant de le détailler. Prenons 3 secteurs totalement différents : le prêt-à-porter, les producteurs d’énergies renouvelables et les entreprises tech en mode SaaS.
Aucun point commun sur : les métriques financières, les stratégies de développement, les typologies de clients et fournisseurs, le retour sur investissement (ROI) etc. Partant de ce principe, les méthodes de financement vont être aussi complètement différentes.
Le secteur du textile est très complexe : dépend de l’image de marque, en direct généralement avec les consommateurs (BtoC), nécessite de faire des “collections” hiver et été, de grosses problématiques de BFR (vu les achats 6 mois à l’avance et des clients qui vont les acheter – ou pas – lorsque la saison est la bonne), des achats internationaux (Chine, Turquie, Maroc, Italie etc.) et un ROI qui peut être faible selon la gamme (casual ou luxe).
Par conséquent, le risque étant assez élevé, les banques n’aiment pas ce secteur. Seules quelques grosses PME / ETI obtiennent des financements bancaires mais c’est un secteur très surveillé. Ces entreprises vont donc se tourner vers des financements alternatifs comme les family office, les fonds de dettes ou bien des “neo” acteurs comme par exemple KARMEN.
Le secteur des énergies renouvelables : des forts besoins en CAPEX pour construire toutes les infrastructures (éoliennes, panneaux photovoltaïques etc.) et l’entretenir, une dépendance aux volontés gouvernementales et un ROI sur du long terme mais lorsque le temps est passé, une génération de cash énorme. Ici c’est jackpot, tout le monde veut y aller : investisseurs, banques, fonds de dettes, particuliers. Tout le monde.
Le secteur de la tech en mode SaaS : récurrence des clients avec des paiements mensuels, des investissements dans les tech avec de la R&D récurrente. Ici, tout dépend du stade de vie de l’entreprise : si elle est au début, oubliez les établissements bancaires. Il faut se focaliser sur des business angels ou des fonds de venture capital. Dès lors que l’entreprise aura démontré sa capacité à être profitable (résultat net, pas EBITDA!), elle aura accès aux prêts bancaires.
Comme vous pouvez le constater, la réelle difficulté pour une entreprise est d’adapter parfois sa stratégie avec ses capacités financières liées à son secteur d’activité. Nous conseillons toujours de bien mesurer toutes les métriques avant de lancer un projet.
7. Les particularités du financement bancaire :
- Quels sont les avantages et limites du financement bancaire pour les entreprises, notamment en termes de conditions et de flexibilité ?
Avantages :
- Le coût : à date en 02/2025, en moyenne une PME / ETI va payer 3,5% pour un prêt classique sur 5 ans. Les autres modes de financement seront autour de 5% à grand minimum jusqu’à 15% et des parts du capital de l’entreprise.
- Avoir des prêts bancaires montrent votre solidité financière car les banques prennent les risques les plus faibles et fiables du marché
Limites :
- Le manque de flexibilité : une banque ne fait que rarement du sur-mesure car cela sortira des grilles
- La durée d’obtention du prêt ou crédit peut être parfois longue
- Le besoin des banques que d’autres banques participent (dilution du risque) qui vous obligent à avoir 2 à 4 banques et donc des coûts supplémentaires pour l’entreprise
- Les banques sont-elles encore une source de financement privilégiée, ou voient-elles leur rôle diminuer face aux solutions alternatives ?
Oui, toujours, même si des néo-acteurs sur le marché arrivent pour prendre cette place, aujourd’hui les banques restent des piliers du financement de l’Economie. Nous constatons des changements qui vont parfois dans le bon sens (digitalisation, financement à impact etc.) même si la pression du règlementaire fait que les commerciaux bancaires ont de plus en plus de mal à faire du relationnel avec les dirigeants et directeurs financiers.
8. Les spécificités des fonds propres :
- Quels sont les bénéfices et les risques liés à l’ouverture du capital de son entreprise à des investisseurs externes (fonds propres) ?
Tout va dépendre de quel type d’investisseurs le dirigeant souhaite avoir et de son besoin. Encore une fois, la vision n’est que rarement binaire et doit toujours s’adapter à la situation de l’entreprise. Néanmoins, quelques généralités peuvent se dessiner.
Avantages :
- On reçoit généralement beaucoup d’argent et rapidement !
- On peut avoir accès à des spécialistes qui peuvent aider dans le business model via leur réseau ou des compétences spécifiques
- On se sent moins seul face aux difficultés
Risques:
- L’investisseur ne vient pas pour votre projet mais pour son ROI. Par conséquent, c’est une relation financière. Vous avez des intérêts souvent communs mais parfois divergents
- Vous avez des contraintes via un Pacte d’Actionnaire
- De vendre des pourcentages au capital maintenant est généralement moins cher que demain; le rachat sera plus coûteux si le dirigeant veut tout récupérer.
- Comment une entreprise peut-elle maintenir un bon équilibre entre fonds propres et dette dans sa structure financière ?
Cela dépend du secteur d’activité mais une métrique à avoir en tête : les dettes financières ne doivent pas dépasser les capitaux propres. Les exceptions vont être pour les secteurs dit “CAPEX intensive” comme l’immobilier, les producteurs d’énergies renouvelables, les armateurs etc.
9. Les solutions alternatives :
- Comment le crowdfunding, le crowdlending ou les obligations convertibles changent-ils le paysage du financement des entreprises ?
Cela doit être vu comme “une solution de plus” dans l’éventail des possibilités. Cela dépend de votre situation financière et de votre projet. Généralement, les solutions de “crowd” sont plus tournées vers les TPE ou les entreprises risquées qui ont besoin d’avoir des fonds rapidement mais cela peut aussi être de la volonté des acteurs de faire participer leur communauté pour un projet (comme l’immobilier ou les énergies renouvelables).
Les obligations convertibles (OC) sont plus tournées comme un boost pour l’entreprise. Elles peuvent être tirées d’un coup à la signature du contrat, par tranche pour plus de souplesse ou bien progressivement. C’est un complément à la dette bancaire, qui est parfois bien utile car très souple dans l’utilisation bien que coûteuse (autour de 10% + des primes de non conversion en capital).
10. Conseils et fin :
- Quels conseils donneriez-vous à une entreprise qui souhaite se lancer dans une levée de fonds ou rechercher un financement ?
Tout d’abord, il faut être clair sur ses besoins : pourquoi lever des fonds ? Pour financer quoi ? Ensuite, il est essentiel de bien préparer son dossier. Les investisseurs ou les banques ne financent pas une idée, mais un projet structuré avec une vraie vision et des chiffres solides.
Savoir à qui s’adresser. Un dirigeant n’a pas forcément les compétences et le temps pour réaliser correctement son projet. En conséquence, il est important d’avoir, soit la ressource en interne (directeur financier par exemple) soit faire appel à des experts pour consolider sa vision (cabinet de conseil, experts-comptables, avocats etc.) voire même les deux dans des schémas structurants pour l’entreprise.
Enfin, l’anticipation: il ne faut pas oublier que lever des fonds peut prendre du temps. Il faut anticiper et ne pas attendre d’être au pied du mur pour chercher des financements adaptés.
- Comment une entreprise peut-elle s’assurer que la méthode de financement choisie soutiendra ses objectifs à long terme ?
Le point le plus important c’est que le financement doit être un outil au service de la stratégie et non l’inverse.
Une entreprise doit se poser les bonnes questions : quelle est sa vision à 3, 5 ou 10 ans ? A-t-elle besoin de flexibilité, d’un apport en capital, d’un financement rapide ou d’un partenaire stratégique ?
Ensuite, il faut trouver le bon équilibre entre fonds propres et dette. Trop de dette peut fragiliser l’entreprise si elle n’a pas une rentabilité suffisante, tandis qu’une ouverture excessive du capital peut faire perdre le contrôle du projet. L’important, c’est d’adapter la solution de financement au secteur, au modèle économique et aux ambitions de l’entreprise.