Réforme des retraites : un enjeu budgétaire ?
Adoptée en 2023 au prix d’un bras de fer social, la réforme des retraites devait “sauver le système”. En repoussant l’âge légal de départ à 64 ans, le gouvernement assure garantir des économies et préserver l’équilibre budgétaire. Mais alors que la dette publique est à plus de 3 300 milliards d’euros, une question s’impose : cette réforme est-elle une vraie solution ou un simple répit ?
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Annonce surprise : suspension jusqu’en 2028 ?
Le 16 octobre, c’est avec stupéfaction que Sébastien Lecornu a annoncé la suspension de la réforme des retraites jusqu’en 2028. Cette décision provoque un séisme politique et social, car :
- Elle ouvre une période d’incertitude : comment combler les déficits sans les économies attendues de la réforme ?
- Elle revient sur le principal pilier budgétaire du quinquennat.
- Elle relance un débat explosif sur le financement du système.
Un modèle sous tension démographique
Le système français fonctionne par répartition : les actifs d’aujourd’hui financent les pensions des retraités. Sauf que le déséquilibre entre cotisants et retraités s’aggrave. Dans les années 1960, quatre travailleurs cotisaient pour une personne à la retraite. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’environ 1,7. Et selon les projections, ils pourraient tomber à 1,3 d’ici 2040.
En parallèle, les Français vivent plus longtemps. L’espérance de vie atteint 85 ans pour les femmes et 79 ans pour les hommes. Résultat : les pensions doivent être versées sur une période bien plus longue. En 2025, les retraites pèsent près de 14 % du PIB, soit plus de 340 milliards d’euros par an, l’un des niveaux les plus élevés parmi les pays développés.
Trente ans de réformes… et toujours des déficits
Depuis 1993, plusieurs gouvernements ont tenté de corriger la trajectoire :
- 1993 (réforme Balladur) : 40 annuités dans le privé, pensions calculées sur 25 meilleures années.
- 2003 (réforme Fillon) : alignement public/privé, indexation sur l’espérance de vie.
- 2010 (réforme Woerth) : recul de l’âge légal de 60 à 62 ans.
- 2014 (réforme Touraine) : passage progressif à 43 annuités d’ici 2035.
- 2023 (réforme Borne-Macron) : âge légal repoussé à 64 ans, 43 ans de cotisation anticipés à 2027.
- 2025 (réforme Borne-Macron annulé par Lecornu) : le premier ministre Lecornu suspend la réforme de 2023 jusqu’à 2028.
Chaque réforme était présentée comme indispensable. Pourtant, selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), le système resterait déficitaire jusqu’à au moins 2030, entre –0,5 % et –1 % du PIB par an.
Le graphique ci-dessous illustre l’évolution de l’âge légal de départ à la retraite en fonction de l’année de naissance. On observe une progression constante de cet âge au fil des générations, ce qui a été au cœur des débats autour de la réforme.
La réforme de 2023 (courbe orange) prévoit un décalage progressif de l’âge légal jusqu’à 64 ans, tandis que les annonces du Premier ministre (courbe bleue) proposaient un ajustement légèrement différent, notamment un passage à 63 ans pour la génération 1965 à partir d’avril 2028.
En revanche, dans l’hypothèse d’un gel de la réforme (ligne verte), l’âge légal resterait figé à 62 ans et ne progresserait plus, au moins jusqu’en 2028. Cela marque une rupture nette avec la trajectoire d’augmentation prévue par la réforme.

Des économies limitées face à une dette massive
Le gouvernement met en avant 12 milliards d’euros d’économies annuelles grâce à la réforme 2023. Mais ces économies restent modestes au regard de l’ampleur de la dette publique et des autres dépenses sociales (santé, dépendance, chômage). Pour certains économistes, il ne s’agit que d’un « pansement sur une plaie profonde ».
En réalité, la réforme soulage temporairement les comptes, mais ne garantit pas la stabilisation à long terme. D’autant que France et Europe restent sous la surveillance des marchés financiers et des agences de notation, attentifs au sérieux budgétaire du pays.
Des leviers impopulaires mais inévitables
Pour garantir la pérennité du système de retraites, plusieurs options sont régulièrement mises sur la table, même si aucune n’est consensuelle. La première consiste à reculer encore l’âge légal de départ, éventuellement vers 65 ou 67 ans, à l’image de pays comme l’Allemagne. Mais ce choix se heurte à une forte résistance sociale, la question du “travailler plus longtemps” restant explosive en France.
Une autre solution serait d’augmenter les cotisations, c’est-à-dire les prélèvements sur les salaires. Toutefois, cette voie est jugée risquée, car elle pourrait peser davantage sur le coût du travail et nuire à la compétitivité des entreprises.
Certains évoquent également la possibilité d’agir directement sur les pensions, en les désindexant temporairement de l’inflation ou en limitant leur progression. Mais cela entraînerait mécaniquement une baisse du pouvoir d’achat des retraités, une population déjà sensible face à l’augmentation du coût de la vie.
Enfin, le gouvernement mise sur l’emploi des seniors, avec des incitations et des aménagements spécifiques. Cependant, la France part de loin : le taux d’emploi après 60 ans n’atteint que 36 %, bien en dessous de pays comme la Suède, où il dépasse 60 %.
Ainsi, chaque levier comporte ses limites : économique, sociale ou politique. Aucune solution ne peut être appliquée sans compromis, ce qui explique la difficulté à réformer durablement.
Une réforme nécessaire… mais loin d’être suffisante
Pour beaucoup d’experts, la réforme des retraites est une condition nécessaire mais non suffisante. Elle donne de l’air, sans résoudre la question centrale : comment financer durablement la protection sociale dans une société vieillissante ?
La France devra tôt ou tard trancher :
Travailler plus, payer plus… ou accepter de recevoir moins.
La réforme de 2023 a repoussé l’échéance. Elle n’a pas clos le débat.
Et maintenant ?
Le débat ne fait que commencer. Certains défendent l’idée de diversifier les financements (fonds de pension, capitalisation partielle), d’autres plaident pour un nouveau “pacte social” entre générations. Une certitude : la retraite restera un sujet explosif, où se croisent arithmétique budgétaire et justice sociale.