« Le montage CumCum » : comprendre le mécanisme accusé de fraude fiscale en France
Une pratique d’arbitrage anciennement tolérée des banques d’investissement et gestionnaires d’actifs sur les dividendes devenue une infraction pénale en France ? Analyse juridique appliquée aux délits de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale.
Il sera ici question de l’étude du « CumCum » et non du « CumEx », qui est un autre montage plus sophistiqué.
Qualifiée par le Parquet national financier de fraude fiscale sur les dividendes perçus par les actionnaires étrangers, la pratique du CumCum, ancienne,est un montage fiscal proposé par certaines banques au profit de leurs clients, non-résidents français, afin de contourner l’impôt retenu à la source.
En pratique, si un investisseur non-résident au sens de l’article 4B du code général des impôts, perçoit des dividendes d’une société française, il verra son coupon prélevé d’un impôt.
C’est le code général des impôts qui prévoit cette taxation, autrement appelée retenue à la source.
Pour les personnes physiques, le taux retenu selon l’article 187 de ce même code est de 12,8%.
Pour les personnes morales et les résidents personnes physiques hors Union européenne, l’imposition est encore plus importante.
Le « CumCum » externe : en pratique, juste avant le versement du dividende, la banque opère pour le compte de son client non-résident français un échange temporaire, aussi appelé « swap », du titre concerné avec un détenteur résident d’un pays à faible fiscalité ou sous convention fiscale bilatérale avec la France.
Ce dernier, perçoit le dividende lors de son détachement et n’est pas ou très peu imposé.
Peu après, le titre et le coupon sont retournés à son propriétaire initial, sans que le rendement n’ait été prélevé.
Le bénéfice fiscal est ensuite réparti entre l’actionnaire et les banques ou contreparties ayant réalisé l’opération.
Le « CumCum » interne : est le même système que le précédent mais le titre est directement échangé avec la banque, en France, du client non-résident.
Sans préjuger de l’issue judiciaire des affaires en cours afférentes à cette pratique, les banques concernées évoquant le fait qu’aucune règle n’interdise cette pratique, l’échange de titres étant par ailleurs permis, deux délits principaux fondant les poursuites sont à analyser :
- La fraude fiscale (1),
- Le blanchiment de cette fraude fiscale (2).
- La fraude fiscale, consacrée à l’article 1741 du code général des impôts, réprime quiconque s’étant frauduleusement soustrait ou ayant tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification.
La fraude fiscale fait encourir un emprisonnement de cinq ans et une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.
Ce texte, large, s’appliquerait donc selon le Parquet national financier, aux banques d’investissement ayant réalisé ces montages.
Il est à noter que la circonstance de fraude fiscale « aggravée », par la bande organisée notamment, initialement introduite par la loi Perben II de 2004, porte la peine encourue à sept ans d’emprisonnement et une amende de 3 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.
- Le blanchiment de fraude fiscale, encadré par les dispositions de l’article 324-1 du code pénal, modifié par la loi du 13 juin 2025, est le fait de :
« Faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Quels que soient les faits matériels qui le caractérisent, il est réputé occulte au sens de l’article 9-1 du code de procédure pénale.
Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. »
Le blanchiment est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende et du double en cas de blanchiment commis en bande organisée.
Il convient de noter que le blanchiment est toujours une infraction de conséquence visant à justifier de façon mensongère, d’apporter son concours à une opération de placement, de conversion ou de dissimulation du produit d’une infraction, quelle qu’elle soit (exemple : vol, escroquerie, abus de confiance, trafic de stupéfiants, fraude fiscale etc).
A ces deux infractions, les délits de faux et d’usage de faux, au sens des articles 441-1 et suivants du code pénal, peuvent aussi être retenus dans la prévention.
Optimisation fiscale ou fraude ?
La Justice tranchera.
